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Mondes de l'éducation

Quelle valeur attacher aux diplômes à l’ère de la COVID-19 ? par Jacques Taty.

Publié 18 septembre 2020 Mis à jour 23 septembre 2020
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Quelle sera la valeur des certificats et diplômes que l’État congolais va octroyer aux écolier·ère∙s, élèves et étudiant∙e∙s de fin de cycle de cette année ? En effet, depuis le 10 août, le ministère de l’enseignement primaire, secondaire et technique a ouvert les écoles avec seulement les classes terminales, pour préparer les écolier∙ère∙s et élèves aux examens. Cette réouverture s’est faite après que les enfants sont restés à la maison pendant presque cinq mois suite à la pandémie de COVID-19.

Afin de stopper la propagation de la pandémie qui a secoué le monde et de protéger les vies humaines, plusieurs mesures drastiques ont été prises, parmi lesquelles la fermeture momentanée des écoles. Pour ne pas pénaliser la formation des enfants, les sciences et technologies ont été mises à contribution avec le recours au numérique avec l’enseignement à distance pour permettre aux enfants de continuer à apprendre. Le recours à cette méthode qui existe déjà dans les pays du Nord a été expérimenté pour une première fois dans les écoles des pays du Sud dans un contexte particulier, celui de la fragilité et même du manque des infrastructures adéquates d’enseignement. Cela n’a pas permis aux enfants (écolier·ère∙s et élèves) de poursuivre leur apprentissage, comme le souligne un récent rapport de l’UNICEF (en anglais), d’après lequel « au moins un tiers des écoliers dans le monde n’ont pas pu accéder à l’apprentissage à distance lorsque la pandémie de COVID-19 a contraint leurs écoles à fermer leurs portes. »

Cette expérience de l’enseignement à distance met en exergue les inégalités importantes existantes entre les régions du monde. L’Afrique en souffre en effet : « les écoliers des pays d’Afrique subsaharienne sont les plus touchés, au moins la moitié d’entre eux ne peuvent pas être atteints par l’apprentissage à distance ». De plus, « au moins 70% des écoliers en âge préscolaire – 120 millions d’enfants – ne peuvent pas être atteints, en grande partie en raison des défis et des limites de l’apprentissage en ligne pour les jeunes enfants, d’un manque de programme d’apprentissage à distance pour cette catégorie d’enseignement et du manque d’actifs domestiques pour l’apprentissage à distance ».

Depuis l’assouplissement des restrictions liées au confinement et les appels de plusieurs agences – car, comme le souligne également le rapport de l’agence onusienne, l’UNICEF « exhorte les gouvernements à donner la priorité à la réouverture en toute sécurité des écoles » – le ministère de l’enseignement primaire, secondaire et technique a décidé de réouvrir les écoles, seulement les classes terminales pour permettre aux écolier∙ère∙s et élèves de terminer leur année scolaire.

En effet, la fin de chaque cycle est sanctionnée par l’organisation des évaluations certificatives (le Test national de fin d’études primaires au secondaire l’Examen d’État, et au supérieur la défense des mémoires de fin d’études). Qu’en est-il de la République démocratique du Congo (RDC) ?

Cette année scolaire semble être particulière de manière globale. En RDC, cela est dû, d’une part, à la pandémie de COVID-19 à l’échelle mondiale, occasionnant la fermeture des écoles durant cinq mois, et, d’autre part, à un contexte particulier, celui de la mise en application effective de la politique de la gratuité à l’enseignement primaire telle que soulignée par la loi-cadre n°14/004 du 14 février 2014 de l’enseignement national.

Si la mise en application de cette loi avait été applaudie par certain∙e∙s, elle n’avait pas été bien appliquée pour d’autres, occasionnant plusieurs perturbations dans le déroulement des enseignements. Un tiers des écoles ont pu observer la grève en suspendant les enseignements durant un à deux mois entre novembre et décembre 2019, spécialement les écoles catholiques des provinces de Kinshasa, Kwilu, Kwango, Nord et Sud Kivu, et Haut Katanga pour ne citer que celles-là.

Ainsi, cette question de la réouverture d’écoles a suscité un grand débat sur sa finalité, chez les acteur∙trice∙s et expert∙e∙s du secteur de l’enseignement. Certain∙e∙s n’ont pas eu leurs langues en poche pour appeler carrément à une année blanche. D’autres, par contre, soutiennent l’organisation des examens. D’après la loi-cadre susmentionnée et les instructions officielles, une année scolaire a 222 jours. Elle peut être validée si elle totalise au minimum 180 jours d’enseignements. À en croire le camp qui soutient la réouverture et l’organisation desdites épreuves, en fermant les écoles le 18 mars, les écoles avaient déjà totalisé 150 jours et il ne restait que 30 jours pour que cette année scolaire soit validée. Cette thèse est rejetée par l’autre camp, sous prétexte qu’avec les grèves répétitives de novembre et décembre et la démotivation des enseignants suite aux questions salariales, l’année a été nulle et les élèves n’ont pas reçu une formation consistante. Les deux thèses continuent à s’affronter jusqu’à présent.

Le ministère de l’Éducation a quant à lui balayé d’un revers de la main la première thèse et a décidé la réouverture des écoles le 10 août. Ce marathon organisationnel de 30 jours pour le rattrapage des cours sera couronné par l’organisation des évaluations certificatives coûte que coûte aux niveaux primaire et secondaire.

Comme sait l’opinion congolaise, l’organisation des examens coûte des sommes astronomiques d’argent. Tous les parents ayant les enfants dans les classes terminales doivent débourser les frais de participation des candidat∙e∙s. Au primaire, les écoles privées doivent payer pour chaque candidat∙e dix-sept mille francs congolais (soit environ $8) – les écoles primaires publiques ayant été exemptées dans le contexte de la gratuité – et au secondaire, toutes les écoles, publiques et privées, doivent payer par candidat∙e quatre-vingt-cinq mille francs (environ $42,5). Il convient aussi de souligner la gourmandise de certains responsables d’écoles qui excellent dans le gonflement de ces frais. Dans le contexte d’une crise économique exacerbée par la pandémie de COVID-19, l’impression donnée est que les autorités sectorielles veulent à tout prix récupérer de l’argent chez les parents. Quand on sait que l’autorité numéro un de notre secteur, le ministre de l'Enseignement primaire, secondaire et technique, Willy Bakonga, apparaît lui-même promoteur des écoles privées, comment peut-il être à la fois juge et partie?

Cet article est déjà paru sur le blog MeridiE.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.