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Mondes de l'éducation

« Prendre des mesures pour assurer la sécurité des élèves, du personnel et des communautés en Angleterre », par Mary Bousted et Kevin Courtney (NEU, UK).

Publié 5 janvier 2021 Mis à jour 1 juillet 2021
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L’Angleterre est à nouveau en confinement total, le Premier ministre Boris Johnson ayant annoncé dans la soirée du lundi 4 janvier qu’un troisième confinement, comprenant la fermeture de la plupart des écoles, était nécessaire pour faire face à la hausse des taux d'infection et à la propagation rapide du nouveau variant du virus SARS-CoV-2 en Angleterre. Le confinement durera au moins sept semaines, sans réexamen des mesures sanitaires avant le 22 février.

Le gouvernement écossais a également annoncé que le pays se confinera tout le mois de janvier ; et au Pays de Galles, toutes les écoles seront fermées au moins jusqu'au 18 janvier.

Notre service national de santé (NHS) est à genoux : l’Angleterre enregistre les taux d’infection les plus élevés depuis le mois de mars, des centaines de personnes décèdent chaque jour et les hôpitaux ont du mal à faire face au raz-de-marée quotidien de nouveaux cas.

Le NEU et nos autres syndicats de l'éducation ont soutenu, bien avant la fermeture des écoles à Noël, qu’il était dangereux pour les écoles et les établissements d'enseignement supérieur de rouvrir, quelle que soit la région d'Angleterre concernée, et que les vacances devraient être prolongées jusqu’à ce que la propagation du virus soit sous contrôle. La seule concession faite par le gouvernement au cours des vacances de fin d’année a été de retarder la rentrée des élèves du secondaire afin de permettre la mise en place de tests pour les élèves et de repousser également la rentrée pour certaines écoles primaires dans les zones affichant les taux d'infection les plus élevés (niveau d’alerte 4).

Le dimanche 3 janvier, le Premier ministre Boris Johnson continuait d’assurer devant les médias que les écoles étaient « sûres » et que la plupart des établissements d’enseignement primaire rouvriraient le lendemain. En réponse à ces affirmations, six syndicats de l’éducation (NEU, NASUWT, GMB, NAHT, Unison et Unite) ont signé une déclaration commune(en anglais), appelant à mettre en pause la réouverture des écoles pour tous les élèves, à l’exception des enfants vulnérables et des enfants des travailleur·euse·s essentiel·le·s, et à passer à l’apprentissage à distance pour tou·te·s pendant l’examen des accords de travail garantissant la sécurité en temps de COVID.

Le matin du lundi 4 janvier, les élèves du primaire en Angleterre ont repris le chemin de l’école. Quelques heures plus tard, à 20 heures, Boris Johnson a effectué un demi-tour complet, annonçant le reconfinement total de l’Angleterre (niveau d’alerte 5). Les écoles vont également fermer, a déclaré le Premier ministre, car elles sont en fait susceptibles d’agir « comme des vecteurs de transmission, provoquant la propagation du virus entre les foyers ».

De nombreux∙euses commentateur∙trice∙s ont observé que l’incapacité du Premier ministre à prendre le taureau par les cornes plus tôt et à réinstaurer le confinement avant la réouverture des écoles primaires a eu pour effet que des milliers de jeunes enfants se sont mélangés dans les écoles pendant une journée entière avant de rentrer chez eux pour se confiner avec les membres de leur famille, à qui ils auraient pu transmettre le virus pendant ces quelques heures fatidiques.

Quel est le contexte de cette extraordinaire série d'événements ?

Le dimanche 3 janvier, à la veille de la réouverture des écoles primaires en Angleterre, 400.000 membres du National Education Union(NEU) – un nombre sans précédent – ont participé à une réunion syndicale en ligne, pour discuter de la détérioration rapide de la situation d’urgence sanitaire dans tout le Royaume-Uni.

En tant que co-secrétaires généraux du NEU, et en accord avec le président du NEU, Robin Bevan, qui est directeur d'une école secondaire, nous avons expliqué lors de cette réunion pourquoi le syndicat avait pris la décision difficile d’informer les membres en poste dans des établissements d’enseignement primaire, dans des écoles pour enfants à besoins spécifiques et dans des établissements préscolaires qu’il était dangereux pour eux·elles de retourner dans les écoles et autres établissements d’enseignement pendant les deux premières semaines du trimestre. En s'appuyant sur les dispositifs de protection de la législation en matière de santé et de sécurité, nous avons conseillé aux membres d’informer leurs directeur·trice∙s d’école qu’il·elle·s étaient disponibles pour travailler à distance afin de soutenir l’apprentissage à domicile, et pour aller à l’école uniquement dans le but de soutenir les enfants des travailleur·euse·s essentiel·le·s et les enfants vulnérables. Nous leur avons néanmoins conseillé de faire comprendre aux directeur·trice·s d’école le danger que représentait le retour en présentiel avec des classes entières d'élèves et le personnel au complet dans des bâtiments bondés, sans distanciation sociale, sans équipement de protection individuelle et sans système de ventilation adéquat. Des milliers de membres du NEU ont adopté les mesures que nous avons recommandées, et de nombreuses écoles et classes primaires sont restées fermées le premier jour du trimestre.

C’est une mesure que nous avons prise avec beaucoup de réticence. Mais nous pensons que le gouvernement britannique ne protège pas les enfants, leurs familles et nos communautés, et qu’il manque à son devoir de vigilance envers le personnel éducatif qui a travaillé sans relâche pour fournir une éducation de qualité et un encadrement aux enfants tout au long de cette pandémie.

A la fin du trimestre d’automne, les cas de COVID flambaient chez les enfants d’âge scolaire, parmi lesquels on enregistrait les taux les plus élevés de tous les groupes démographiques. Les enfants vivent au sein de familles et de communautés, et peuvent transmettre le virus non seulement à leur famille mais à la communauté au sens large.

Les scientifiques craignent que le nouveau variant du virus SARS-coV-2 ne soit plus répandu chez les jeunes que les variants précédents.

Des rapports de la London School of Hygiene and Tropical Medicine datant du 23 décembre, des documents du propre groupe consultatif scientifique du gouvernement (SAGE) du 22 décembre et un rapport de l’Imperial College du 31 décembre soutenaient tous le même message : il ne sera pas possible, avec le nouveau variant du virus SARS-coV-2, d’obtenir un taux de reproduction (R) inférieur à un, sans prendre au moins la décision de fermer les écoles pendant une certaine période.

Le 10 juin, le NEU a communiqué à Boris Johnson son plan de relance de l’éducation comprenant des recommandations relatives aux mesures importantes nécessaires pour promouvoir la santé, le bien-être et l’éducation des enfants et des jeunes. Nous n’avons reçu aucune réponse. Nous le recommandons à nouveau au Premier ministre. Nous voulons travailler avec le gouvernement pour obtenir de bien meilleurs résultats pour les enfants et les jeunes de notre nation en cette période de confinement.

L’ancien Premier ministre britannique, Tony Blair, et trois anciens Secrétaires d’État à l’éducation ont écrit au Premier ministre, Boris Johnson, pour soutenir les revendications des syndicats et des associations caritatives visant à ce que des ordinateurs portables et des tablettes soient mis à la disposition des enfants et des jeunes dont les écoles sont fermées. C'est le genre de mesure pratique que le gouvernement devrait maintenant mettre en place.

Nous sommes des professionnel·le·s de l’éducation, et nous voulons tou·te·s que les écoles soient ouvertes à tous les élèves. Nous savons à quel point l’éducation est importante pour le bien-être des enfants et leurs chances de réussir dans la vie.

Mais nous ne pouvions pas rester immobiles à regarder cette catastrophe s’aggraver sans agir. Les éducateur·trice·s vont maintenant travailler d’arrache-pied pour que l’apprentissage en ligne reprenne de la manière la plus harmonieuse et la plus efficace possible, et pour que les enfants des travailleur·euse·s essentiel·le·s et les enfants vulnérables continuent de recevoir un enseignement et un soutien à l’école.

Nous sommes fier·e·s de la position adoptée par les membres du NEU et nos collègues d’autres syndicats de l’éducation. Il a fallu du courage, mais nous avons contribué à éviter une catastrophe sanitaire nationale. Alors que le gouvernement tergiversait et tardait, les professionnel·le·s de l’éducation se sont mis·e·s au travail comme nous le faisons toujours.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.